Théodric Dupin

Théodric est un jeune homme pas encore tout à fait sorti de l'enfance. Ses cheveux, dont les boucles folles courent jusqu'à la nuque, sont bruns, et son visage est constellé de tâches de rousseur. Si ses joues portent encore des rondeurs enfantines, son nez lui est acéré. Mais ce qui frappe le plus ce sont ses yeux, d'un bleu profond, qui poussent assez souvent les observateurs à s'attarder sur lui.

En dehors de ça, le jeune homme n'a rien d'impressionnant. D'une taille moyenne, il n'est pas particulièrement musclé ni spécialement chétif. Sa nature nerveuse se remarque assez vite, puisqu'il semble toujours trembler.

Fondamentalement, Théodric manque de confiance en lui et est terrifié par l'idée de décevoir les autres, en premier sa famille. Cherchant toujours à bien faire, il obéit à ce que n'importe quelle figure d'autorité lui ordonne et n'ose que très rarement exprimer son point de vue, et lorsqu'il le fait, la moindre contradiction le pousse à bafouiller quelques excuses et à se taire.

Le jeune homme n'en a pas moins développé une certaine empathie pour les plus faibles, qu'ils soient humains ou non d'ailleurs. Bien plus à l'aise entouré de bêtes, il s'occupe régulièrement des chats de gouttières et des chiens errants d'Ehlen, réduisant régulièrement ses repas pour pouvoir les nourrir.

Fondamentalement, le jeune homme était satisfait de sa vie jusqu'à son entrée récente dans la garde. Soulagé d'avoir pu quitter la maison familiale, il se sent cependant étranger au nouveau milieu dans lequel il évolue, fait de blagues salaces, de violences quotidiennes, d'entraînements difficiles et de bizutages. A présent effrayé par son futur, il est cependant plus terrifié par la réaction de son père s'il devait abandonner ce métier, ce qui le pousse à endurer toutes les épreuves.

La famille Dupin est une famille reconnue de la garde la cité. En effet, assez régulièrement, cette famille fourni des seconds efficaces et compétents au chef de la garde. Du coup, on s'attend à ce que chaque génération dépasse la précédente, et, en général, c'est le cas.

Cela étant, ceci vaut pour la branche principale. La branche cadette elle, dont est issu Théodric, s'est contentée de fournir quelques gardes de temps à autre et aucun n'a particulièrement marqué les mémoires. Mais son père lui, refuse d'accepter cet état de fait. Dévoré par la jalousie pour la branche principale, il a tenté toute sa carrière de s'élever dans la garde, sans grand succès, son ambition n'étant chez lui égalé que par son manque de finesse et de réelles compétences pour la direction d'hommes.

Qu'à cela n'y tienne, puisque ce qui lui n'a pu accomplir, son fils le ferait. Et c'est ainsi que depuis son plus jeune âge, Théoric a été formé par son père, sous les encouragements de sa mère qui espère ainsi gravir les échelons sociaux, pour réaliser son rêve. Enfant timide et peu porté sur les métiers des armes, la peur terrible que lui inspire son père, il s'est soumis à sa volonté, subissant jour après jour un entraînement violent où ses échecs étaient punis par le fouet ou le bâton.

Enfant unique de ce couple qui ne l'aime pas et qui ne s'aiment pas, unis seulement par une ambition dévorante, Théodric a du très vite se constituer un monde intérieur à même de le préserver, lui et sa personnalité. Dès qu'il le peut, le jeune homme quitte le domicile pour se promener dans les rues et aller jouer avec les animaux errants, qui semblent également l'apprécier. Connaissant ainsi les recoins des bas quartiers, il lui arrive régulièrement d'aller s'y cacher afin de se retrouver.

Théodric a également du grandir dans l'ombre de son cousin, celui qui est destiné à devenir le prochain second de la garde, voire, selon certain, le commandant de celle-ci. Maftre est en effet un jeune homme, de quelques mois son cadet, qui semble taillé pour ce rôle: charismatique, habile avec les armes, sociable et intelligent, il sera probablement un membre redoutable de ce corps. Il se murmure même dans la famille que des fiançailles sont en préparation avec l'une ou l'autre des familles nobles de la ville, permettant ainsi aux Dupin de s'élever encore socialement.

Cependant, si Maftre apparaît comme un jeune homme parfait à bien des égards, Théodric lui le connaît sous un autre jour. Le jeune homme n'a jamais su si son cousin était cruel avec lui parce qu'il le haïssait, parce qu'il évacuait sur lui la pression qu'il subit également ou simplement parce qu'il y prend du plaisir. Rarement physiques, ces brimades prennent la forme de vexations, d'humiliations publiques et de remarques perfides destinées à rabaisser le jeune homme.

Le jour de ses seize ans, le jeune homme est entré officiellement dans la garde, sous la pression de son père.

Comme tout cadeau pour son recrutement, le jeune homme n'aura reçu que l'épée "traditionnelle" des Dupin, baptisée "Griffe d'Airain". Là où certains reçoivent des épées magiques capables de trancher l'acier et la pierre (du moins c'est ce que disent les légendes), la fameuse lame n'est qu'une piètre arme, usée par des générations de gardes qui n'auront eu de cesse de la faire reforger et aiguiser.  

Cela fait maintenant quelques mois le jeune homme est devenu garde et qu'il patrouille dans la ville. Bon gré, mal gré, il a réussit à se lier d'amitié avec quelques membres de la garde et les brimades du début ont plus ou moins cessées. Il est même assez proche de Léon, un vieux de la vieille, qui, malgré ses plus de cinquante ans (certains disent même soixante), n'a jamais pris sa retraite, n'ayant pas de famille dans laquelle se retirer. Ce qui l'inquiète le plus maintenant, c'est que son cousin va bientôt fêter ses seize ans, et que son entrée dans la garde aura lieu le même jour....